vendredi 12 novembre 2010

L'amour de l'art, ou la nature de la perception.

Mimmo Paladino- Clair de lune, 2008/2009
Technique mixte sur toile. 200 x 300 cm

Je me demande souvent pourquoi une oeuvre happe soudainement et totalement mon regard. Mes émotions le suivent de près et mon esprit n'est jamais loin qui survient à essayer de comprendre. Non le sens de l'oeuvre, mais pourquoi je suis là, vibrant, ébahie, ou tombée par terre, avec le sentiment que je me trouve face à un langage qui semble universel. 

Il y a que je suis dans le désir soudain. Et j'ai la sensation qu'au travers de l'oeuvre, l'artiste est parvenu à se hisser loin au dessus des lieux communs, jusqu'à se trouver, puis s'effacer et laisser parler son ouvrage, qui vit seul, hors de lui, dans le regard que nous lui portons, combinant une multiplicités de perceptions et de points de vue. Lui même ne peut plus parvenir à en saisir, qui lui échapperont toujours, les myriades de sens et d'acceptions qui ramifient. Mais le veut-il seulement? 

C'est ce qui fait, que je continue d'être là, désirante, les sens en appétit, l'esprit aiguisé et le coeur en chamade. Il y a quelque chose de l'ordre du sensible, mais je sais aussi que mon attirance tient à cet au-delà des apparences visibles, dans ce qui n'est pas dit, restant énigmatique. Comme une question posée. Et j'aime les questions, les poser c'est être toujours en vie.

L'oeuvre est une étape, et quoi qu'il décide d'en arrêter un jour le traitement, elle sera toujours incomplète et l'artiste le sait. Que cherche-il? Nous offrant son ouvrage, tente-t-il de se relier à nous? Nous unissant par là, et nous laissant reconstruire son oeuvre, nourrissant son propos.. Je crois qu'un artiste atteint la plénitude de son but, un instant, lorsque les spectateurs accèdent, en des temps et des lieux divers, à cet espace où le regard, la perception et l'esprit travaillent de concert, ouverts, prêts à recevoir et follement amoureux. Parce qu'entre l'oeuvre est le spectateur il est question d'amour aussi, et du désir qui le nourrit.
Mais l'artiste n'attends peut-être pas tout cela. Il sait qu'une fois l'oeuvre produite, elle lui échappe. Il est juste désirant, lui aussi.

Je sais que nous regardons et considérons l'art, ou non, au travers de nos propres filtres, culture, nature, éducation.... et ils sont si différents. Cela ne doit pas nous empêcher de prendre position. Ayant des amis artistes je sais aussi combien certains se fichent éperdument de savoir ce que l'on pensera de leur démarche, voire même du résultat. Alors j'ai souvent posé LA question, pourquoi créés-tu? La réponse qu'on m'a donnée: "je ne peux pas faire autrement".

Je crois que c'est ce que je ressens face à l'oeuvre, qui me désarçonne la perception et me porte aux nues, cette nécessité intérieure impérieuse, dont l'oeuvre est l'incarnation, et ce sentiment de communion, avec ce que l'art a de sacré, à savoir le pouvoir de création et de recommencement, dont nous pouvons nous saisir, et par lequel nous pouvons nous sentir vivants.



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